Focus sur le phoque de Weddell

La terre Adélie n’est pas le refuge exclusif des manchots et des oiseaux. Plusieurs espèces de phoques y viennent se prélasser, s’accoupler et/ou se nourrir. Coline, qui a la charge du programme d’étude des phoques, nous a récemment gratifié d’une présentation sur ces charmants animaux. Les phoques sont des pinnipèdes, sous groupe des mammifères marins, et plus précisément des phocidés, par opposition au groupe des otaridés (lions de mer, otaries…).

Les phoques, contrairement aux otaridés, ont une morphologie leur empêchant de se redresser. Sur la banquise, ils ont alors  une allure un peu pataude, mais ce sont de très efficaces nageurs.

Caractéristiques du phoque de Weddell

En Terre Adélie, le plus commun des phoques est le phoque de Weddell, bien qu’il n’est pas rare de croiser phoque crabier et léopards des mers et dans une moindre mesure des phoques de Ross ou des éléphants de mer. Le phoque de Weddell se caractérise par un corps massif, une petite tête, et de nombreuses taches sur son ventre qui constituent une empreinte unique à chaque individu. Un phoque de Weddell peut mesurer jusqu’à 3m20 et peser près de 400kg. Son espérance de vie dépasse les 20 ans (record connu à 26 ans) et ses prédateurs sont les léopards des mers et les orques, eux se nourrissant principalement de poisson trouvés au large de l’Antarctique lors de plongée impressionnantes: nageant en moyenne entre 200 et 300 mètres de profondeur (record à 800m), ils peuvent rester jusqu’à 80 minutes sous l’eau!

Un phoque de Weddell se prélasse sur la banquise

Ils possèdent une dentition spécifique (incisive à l’horizontale) leur permettant d’entretenir des trous dans la banquise, seul moyen pour eux de traverser des dizaines de kilomètres sous la glace tout en respirant de temps en temps.

Sa population est estimée à 500 000 individus, dont environ 350 en Terre Adélie.

Mode de reproduction du phoque de Weddell

Le phoque de Weddell est un animal polygame, un mâle pouvant avoir un dizaine de femelles. Ils se reproduisent en décembre, la gestation du veau (nom du petit) durant ensuite 9 mois. Après les naissances, qui ont lieu entre septembre et octobre, la lactation dure environ 6 semaines, au cours desquelles les femelles élèvent seules les veaux, les mâles se consacrant à la défense de leurs territoires. Le lait de la femelle est si riche que le veau prend près de 100 kg durant le sevrage (25 kg pour 1m20 à la naissance). A contrario, la mère perd plus de 150 kg! Une fois le veau sevré, la femelle se reproduit quasiment  dans la foulée.

Phoque de Weddell. Photo: Cyril Delphin

Et qu’est ce qu’on fait à DDU pour étudier les phoques de Weddell?

L’objectif du programme d’étude des phoques de Weddell est le suivi à long terme de la population de phoque de Weddell dans l’archipel de Pointe Géologie et la mise en relation de l’évolution de la population avec les changements climatiques (naturels et/ou d’origine humaine) affectant le milieu naturel du phoque.

Pour cela, Coline doit dénombrer les phoques repérés (ce qui implique une surveillance quotidienne à la jumelle et des sorties fréquentes sur la banquise), transponder les phoques qui ne le sont pas encore afin de permettre un suivi individuel des phoques et enfin peser les veaux.

Appareil de vérification de transpondage. Photo: Coline Marciau

Matériel de transpondage. Photo: Coline Marciau

Louis et Coline vérifient si le phoque est transpondé. Photo: Cyril Delphin

En pratique, le dénombrement se fera grâce à 4 équipes qui se partageront la zone de l’archipel de Pointe géologie autour de la base (en zone 1). Cela promet de longue et agréables balades, près de 10h et 35 km pour la zone la plus éloignée. Seule Coline peut transponder, le travail de ces équipes sera alors « simplement » de crapahuter sur la banquise, compter les phoques, vérifier s’ils sont transpondés ou non et remplir une carte en indiquant la position des phoques et en décrivant l’environnement (présence de crevasse, de rivières et/ou d’icebergs…). Il peut parfois y avoir foule!

Découpage de l’archipel

forte affluence de phoques autour d’une crevasse et d’un trou entretenu

Cette dernière photo montre cependant quelque chose a prendre très sérieusement en compte lors de nos balades sur la banquise, particulièrement en cette fin d’hiver ou cette dernière va petit à petit s’amincir et s’affaiblir. Nous voyons ici une large crevasse, qui probablement deviendra une « rivière », ou zone de la banquise laissant apparaître l’eau libre. Les phoques utilisent ces réseaux de rivières pour se déplacer sous la banquise et creuser leur trous. Donc présence de phoque signifie quasi systématiquement présence d’un trou, d’une rivière ou d’une crevasse. Il faut donc redoubler de prudence en s’approchant d’une zone occupée par un phoque, sous peine de faire plouf et de se retrouver dans une sacrée galère… C’est pour cela d’ailleurs que lors de nos sorties banquises, nous devons avoir avec nous un bâton pour sonder la glace et  un « sac banquise » contenant notamment une corde d’au moins 10 mètres, des vêtements chauds et secs dans une poche étanche en cas de plouf inopiné, quelques friandises bien caloriques, une trousse de secours, et biensur nos radios pour prévenir les copains et la base en cas de pépins.

A l’heure qu’il est, seuls quelques phoques furètent par-ci par là, le pic de présence arrive à partir de de la seconde quinzaine d’octobre. Mais pour avoir eu la chance d’en croiser un de près récemment, ces animaux aussi impressionnants qu’attendrissants promettent encore de sacrés souvenirs!

Pensées sous le ciel étoilé

La nuit porte conseil dit-on. Vu que j’entame ma 145ème nuit de travail, particularité de mon poste à DDU, voila qui m’assure un grand nombre de conseils, enfin j’espère… En cette première nuit d’octobre, plutôt clémente avec « seulement » -20°C sans vent, je me pose sur le toit de mon laboratoire, le nez dans le ciel étoilé, comme je le fais souvent. Le grand nuage de Magellan et ses 30 milliards d’étoiles m’apparaissent au bout de quelques minutes comme pour me souhaiter la bienvenue: elles et moi avons rendez-vous chaque soir.

Mes co-hivernants dorment à cette heure avancée de la nuit. Sensation grisante de se sentir comme seul au monde, témoin unique d’un spectacle nocturne qui prendra fin d’ici un mois. Une bouffée d’inquiétude m’envahit, ai-je assez profité de ce spectacle? D’ici un mois, le jour polaire s’installera. Un jour sans fin de novembre à février. D’ici un mois aussi une partie de la 68ème mission débarquera, ça sent la fin pour nous!

La queue de la constellation du scorpion attire alors mon regard. Selon la légende, le scorpion de feu fut envoyé par Artémis pour tuer le chasseur Orion. D’ailleurs le scorpion se trouve opposé à la constellation d’Orion. Biensur que j’ai profité au maximum de ces moments. Ici, tout le monde commence à penser au départ et à la suite, parfois avec angoisse, parfois avec impatience ou même avec indifférence. Combien de très agréables soirées ai-je passé entre autres avec Etienne, Louis, Kevin, Coline ou Elodie à imaginer la suite et échafauder des tas de projets. Le départ ne m’angoisse pas le moins du monde, cela fait longtemps que j’ai accepté la fugacité de ma présence ici, comme sur tout autre endroit de cette  planète. La suite? J’ai tellement de projets en tête que je l’attend dans un mélange de sérénité et d’excitation. Parmi eux, nombreux ne se feront peut-être pas mais peu importe, l’important est de considérer que le futur, bien qu’inconnu, est surtout celui que nous voudrons bien nous donner. Alors je ne m’inquiètes pas, je verrai bien le moment venu. J’étais si loin de penser il y a 18 mois que j’irai en Antarctique.

Dans le « chaos ». Photo: Alexandre Flouttard

Galleries de glace

 

De gauche à droite: Elodie, PEF, Alex, moi et Vincent

De gauche à droite: Elodie, PEF, Alex, moi et Vincent

Ah bin voilà, je la cherchais depuis presque une demi heure celle là! La constellation du Sagittaire m’apparaît enfin. Pourtant c’était pas compliqué si j’en crois mon guide stellaire offert par Louis et Coline: Le sagittaire se repère facilement, il se situe dans l’axe des deux « yeux du chat » de la queue du scorpion. Pourquoi je le cherchais? Parce qu’au sein du Sagittaire se trouve le centre de notre Galaxie et le trou noir supermassif qui l’occupe, Sagittarius A*. Les trous noirs sont probablement les objets célestes qui me fascine le plus. Engloutissant tout ce qui a la mauvaise idée de traverser son horizon, sans espoir de retour, y compris pour la lumière (d’ou la dénomination trou noir), les trous noirs sont de véritables défis à la logique, l’espace et le temps n’y sont plus ce que nous en savons. Au centre du trou noir (la singularité), il ne sont plus, tout simplement. Même Einstein s’est trouvé décontenancé face à ces objets dont il a œuvré à la découverte. Imaginez un peu, si vous rentrez dans un trou noir et que vous vous retournez, et en supposant que vous n’êtes pas déchiqueté par l’incroyable gravité qui s’exerce sur vous, vous verriez le temps à l’extérieur du trou noir défiler à une vitesse incroyable. Vous pourriez en quelques minutes voir ce qui se passe en des milliards d’années de l’autre coté de l »horizon du trou noir: voir des étoiles naître, vivre et mourir, des systèmes solaires se créer et disparaître…Vous comprendrez alors que pour moi les notions de temps qui passe ou de temps perdu  sont très relatives. Je crois qu’à force  d’exacerber les regrets du passé (proche ou lointain) et l’angoisse du futur, à force de les laisser guider nos choix, nous passons à coté de l’instant présent. Qu’est ce que le temps sinon une succession d’instant présent? Oh je sais que cela peut passer pour de belles paroles vaines, mais je suis pour ma part convaincu que cela me permet de prendre tous les événements avec beaucoup de sérénité, comme cette incroyable année sur le continent blanc. Comme le disait un célèbre ours connu de tous, petits et grands, il en faut peu pour être heureux.

Alors je termine cet article en ajoutant quelques photos de moment qui à coup sur resteront avec moi, et qui, que j’y pense ou non, me changent continuellement, et deviennent par conséquent intemporel. Pêle-mêle: la dernière émission radio, une après midi saut dans les congères de neige , une balade sur la banquise, une séance de photo pour confection d’un jeu « Risk » revisité, ou une photo très second degré faites avec Coline pour rendre hommage à la base australienne  Casey, vainqueur du festival du film Antarctique (qui nous a d’ailleurs valu les honneurs de la newsweek de Casey, ayant visiblement apprécié notre initiative!   à voir ici).

ça saute dans les congères! Photo: Coline Marciau

 

Elodie se la joue Matrix! Photo: Coline Marciau

Photo fan avec Coline par -25  #1 mise en place difficile

Photo fan avec Coline par -25  #2 ça y est!

Elodie face à « l’œil de la grotte »

balade sur la banquise. Photo: Alexandre Flouttard


Dernière émission radio!

Les animateurs de Skuarock radio! Photo: François Mariotti

Les animateurs de Skuarock radio! Photo: François Mariotti

 

Une histoire de rapt et d’émancipation

J’avoue bien humblement que je ne connaissais finalement que peu de choses sur la vie des manchots Empereurs. Oh biensur, j’avais vu comme beaucoup le superbe film de Luc Jacquet « La marche de l’empereur » et d’autres reportages sur ces fascinants animaux et avait saisi les grandes lignes du cycle des empereurs: les manchots reviennent chaque hiver dans une même colonie (bien qu’ils en changent parfois) où ils chantent en guise de parade, trouvent un partenaire et s’accouplent. Une fois les œufs pondus par les femelles, celles-ci traversent la banquise à pied pour aller se nourrir pendant que le mâle entame un long jeun le temps de la couvaison de l’œuf. La femelle revient gavée, reprend l’œuf (ou le poussin si celui-ci à éclos) permettant au mâle d’aller se nourrir. Mâles et femelles vont ainsi enchaîner les échanges pour nourrir le poussin jusqu’à ce que celui-ci soit prêt à affronter le froid et la mer tout seul, et ainsi entamer un nouveau cycle (les nouveaux-nés ne reviennent pas immédiatement à la colonie mais peuvent rester au large, en mer, plusieurs années afin d’atteindre la maturité sexuelle).

Par ici les curieux

Un intrépide empereur

Coucou toi!

Kevin suivi par de courageux empereurs

 

Mais les côtoyer au plus près permet d’observer des comportements très particuliers, qui sèment d’embûches  le cheminement des poussins vers l’indépendance. Si les manchots ont tous des comportements individuels très différents, il se dégage cependant une atmosphère générale de la manchotière, très changeante au cours de l’année. Leur arrivée marque le début des chants, période légèrement confuse, bien que calme. Mais une fois en couple, une impression de sérénité se dégage, les chants se font alors à l’unisson, mâles et femelles se répondant dans un concert de mélodies très agréable. Très vite pourtant les femelles partent, la manchotière réduite de moitié se mue dans un silence de cathédrale très impressionnant. Les mâles, concentrés sur la couvaison et le maintien formation serrée pour se tenir au chaud, paraissent alors comme anesthésiés, atones. Impossible de ne pas faire le parallèle avec le calme qui règne aussi au sein de notre équipe, au cœur de l’hiver. La vie à la manchotière, ou la métaphore d’un récit d’hivernage.

Elodie tire la pulka trans portant son matériel

Manchots absorbant de la neige

 

Le retour des femelles et l’éclosion des œufs refait basculer la colonie dans un vacarme permanent qui se transforme vite en une agitation générale. Certains manchots donnent même l’impression d’être stressés. En effet, de nombreux couples se retrouvent sans poussins pour diverses raisons (œuf non éclos car gelé, œuf perdu, poussin mort de faim ou de froid…) et il semble que leur instinct leur dicte d’élever un poussin coûte que coûte, comme si échouer n’était pas envisageable, bien qu’il arrive de voir des manchots sans poussins partir vers le large et ne pas revenir. Démarre alors la période des rapts, objets de ce billet. Les rapts, comme leur nom l’indique, sont purement et simplement des vols de poussins de manchots à manchots. Les empereurs font preuve d’une agressivité étonnante dans cet exercice, bien loin de l’image de majesté suprême qui leur est accordée. Ils se jettent parfois à plus d’une vingtaine sur un pauvre manchot transportant un poussin sur ses pattes ( on imagine donc que cela devient difficile de se défendre) et le plaque littéralement en lui assénant de nombreux coup de bec pour le déséquilibrer et ainsi faire tomber le poussin, qu’ils espèrent récupérer. Ceci arrive quotidiennement, parfois plusieurs dizaines de fois dans la même journée.

Empereurs et leurs poussins

De nombreux poussins au chaud

C’est l’heure de la becquée!

 

Durant cette période, Coline fait ce qu’elle appelle ses « obs rapts » ou observations des rapts. Chaque jour, à raison de 4 ou 5 heures, elle observe la manchotière et note pour chaque rapt qu’elle observe la durée de la manœuvre, le nombre de manchots impliqués dans le rapt, la finalité de celui ci (a t-il réussi ou non?) et le comportement du manchot dépossédé de son poussin en cas de succès du rapt (se défend t-il, va t-il rechercher son poussin ou reste t-il passif?). Cette année, Elodie et Coline bénéficient d’un coup de pouce de dame nature, une congère naturelle, empilement de glace, surplombe la manchotière et offre un point de vue imbattable.

Coline s’installe sur sa butte d’observation

C’est parti pour les  « obs rapt »

La manchotière vue depuis la congère

Vue d’en bas de la congère, et suivant la lumière, cela donne à notre ornitho un petit coté prophète récitant les saintes paroles à ses fidèles. Des fidèles globalement attentifs, malgré quelques énergumènes un peu dissipés, ou simplement dégouttés de la secte solaire de Coline. Jugez par vous même.

 

 

Photobombing manchot

 

Ce qui m’a le plus marqué durant les quelques moments passés en obs rapt, outre l’intarissable source d’étonnement et de cocasseries que sont les empereurs, c’est à l’opposé l’extrême violence dont ils font preuve durant les rapts. Ils n’accordent à ce moment que peu d’intérêt à la santé du poussin, du moment qu’ils arrivent à le voler… Il n’est pas rare de voir succomber de malheureux poussins, écrasés par le poids de la mêlée au dessus d’eux, ou même des adultes récupérer un poussin sans se rendre compte (du moins si mais avec un certain laps de temps) que celui-ci est mort. Voici une vidéo, tournée par Coline, montrant un exemple de rapt (plutôt « doux » rassurez vous, même si un manchot fini par boiter bien bas…).

rapt de poussin. Vidéo de Coline Marciau

 

Oui la vie des poussins n’est pas des plus tranquille. Mais ils grandissent, prennent du poids et commencent à « s’émanciper ». L’émancipation est le moment où ils quittent le confort et la chaleur du gras des parents et marchent de leurs petites pattes sur le sol froid de la banquise. C’est un moment important pour eux, mais aussi pour les ornithos, car bientôt les poussins se mettront en crèche. Regroupés, ils auront plus de chance de survie, notamment face à la terrible menace que sont les PGA: les Petrels Géants Antarctique. Sous ce beau nom se cache un bel oiseau aussi habile dans les airs que maladroit sur le plancher des vaches manchots, là pourtant où ils viendront bientôt chasser les poussins qui auront la malheureuse idée de s’éloigner du groupe…Mais ceci est une autre histoire, une nouvelle étape dans la vie mouvementée des empereurs, qui n’en est qu’à ses prémisses…

Je vous joins également deux autres vidéos de Coline, l’une montrant un poussin qui n’est visiblement pas pressé de sortir du giron parental mais qui ne se rend pas compte qu’à un moment donné ça passe plus… et l’autre d’un poussin égaré, qui a probablement échappé à un rapt et se retrouve seul et légèrement maltraité par des adultes peu compatissants.

Lîle Rostand, où nichent les PGA

 

PGA en vol

 

Atterrissage (presque) contrôlé

 

 

Lien video: poussin esseulé

Lien video: poussin pour qui l’émancipation est un vague concept

 

29 ans, rien de spécial… Sauf quand c’est à DDU!

Samedi dernier 26 Août marquait mon passage aux 29 années révolues (et donc mon entrée dans la 30ème, mais ça j’en parle pas!). Inutile de dire que je me souviendrai de cette journée.

La veille au soir, entre deux messes basses classiques quand on prépare un anniversaire, Elodie me propose de l’accompagner le samedi matin lors de ses dissections de poussins Empereurs. Elle récupère régulièrement des cadavres de poussins pour en faire des prélèvements (foie, estomac, plumes) qui sont ensuite conservés au frais en attendant d’être envoyés dans les labos de métropoles. Cela passe par une dissection minutieuse et délicate car, au cours de l’opération, il faut éviter d’endommager les organes (s’ils ne le sont pas déjà du à la cause de la mort du poussin) et de percer certaines parties comme la vésicule biliaire, pour ne pas contaminer les organes à prélever, et accessoirement s’éviter des odeurs nauséabondes…

J’arrive donc à 9h le matin de mon anniversaire au laboratoire Biomar, où travaillent les filles de la TA67, Elodie et Coline. Les poussins sont là, les outils aussi. Impossible de ne pas avoir un petit pincement au cœur pour ces pauvres petites créatures qui n’ont vécu que quelques jours. Mais impossible aussi de se laisser déborder par ces sentiments lorsqu’on est ornitho, ou plus largement biologiste. Etudier les animaux passent aussi par des étapes moins réjouissantes, qui s’avèrent pourtant essentielles d’un point de vue scientifique. Alors qu’Elodie m’explique le déroulement de la dissection, j’entends Coline déserter le labo quelques minutes après mon arrivée. Et je comprends alors que cette matinée sert aussi d’alibi aux autres personnes de la base pour finir mes cadeaux pendant que je suis occupé toute la matinée. J’en rigole car j’ai moi-même usé de ces stratagèmes pour beaucoup de mes camarades. Les cadeaux se finissent toujours au dernier moment à DDU…

Les dissections s’enchaînent, Elodie prélève les organes pendant que je m’occupe des plumes et vide ensuite les estomac pour compter les cailloux (oui les cailloux!) avalés par les poussins. Je constate de façon très surprenante que ces cailloux représentent presque 10% du poids du poussin: 30 grammes sur 300 à 350 grammes. J’observe ensuite Elodie, dont les gestes se font de plus en plus précis avec le temps, elle a déjà disséqué presque 50 poussins. Sa précision en est presque glaçante de froideur, ce qui contraste avec le naturel enjoué d’Elodie. Pourtant à bien y réfléchir cela révèle au contraire le profond lien qu’elle entretien avec ces animaux qu’elle accompagne des heures et des heures chaque jour dans le froid depuis des mois. Elle parle peu, son application est comme son dernier hommage à ses poussins morts dont elle a vu les parents arriver, s’accoupler, pondre, couver et se passer les oeufs dont il sont sortis.  Elle est engagée comme personne dans son travail, comme toujours, et je l’admire pour cela. Nous passons une agréable matinée, entrecoupée de petites blagues et autres discussions, nous sommes tous les deux assez bon public là dessus.

Le reste de la journée est consacré au repas que je prépare pour le soir avec Aurélien et Yohann. Repas ayant pour thème le moyen-orient et la méditerranée: nan, baklava, humus, tajine, corne de gazelles, zlabia, makrouts, gâteaux iraniens et autres spécialités seront mon repas d’anniversaire!

Le soir après le repas, les cadeaux me sont offerts. Je suis impatient de découvrir le fruit de l’imagination et de l’ingéniosité de mes amis! Il faut dire que chaque anniversaire ici est l’occasion de s’amuser à fabriquer des choses, car ici pas de boutiques… Entre autres cadeaux, Coline et Louis m’ont dessiné sur un grand drap les constellations de l’hémisphère Sud, c’est très beau et rend très bien! Ils savent que je passe le plus clair de mon temps le nez dans les étoiles à observer les constellations. Coline m’a même préparé un guide des constellations, racontant leurs histoires, leurs mythologies, leurs places dans la ciel et les particularités des étoiles les composants comme l’étoile du pistolet dans la constellation du Sagittaire, étoile la plus lumineuse et la plus massive de notre galaxie (brille comme 40 millions de soleil!), Altair (dans la constellation de l’aigle), qui tourne sur elle même en 6h à presque 200 km par seconde, contre 26 jours pour le Soleil ou enfin l’étoile de Barnard (constellation du Serpentaire) qui se rapproche de nous à plus de 100 km par seconde et sera dans 10 000 ans l’étoile la plus proche de nous. Bref vous l’avez compris, tout cela me fascine.

J’ai également reçu un trophée du micro d’or de la part de Serge, faisant référence à mon poste d’animateur radio avec Elodie, une pinte customisée qui s’allume en vert et colore la boisson à l’intérieur dès que je soulève le verre! (merci Kevin et Etienne), une photo argentique de notre doué photographe François accroché sur un support en bois faisant office d’éclairage (vert comme mon laser) rechargeable par usb (etienne et Yohann), des baguettes pour batteries maintenant que je prends des cours de batterie auprès d’Etienne.

Je ne cite pas tout car cela prendrai encore des tonnes de lignes de lignes et puis certains doivent rester secrets je pense… La suite de la soirée: musique de tout style jusqu’au petit matin. J’ai pris le temps (enfin non pas vraiment) de faire un tour des derniers survivants et de faire quelques photos avec eux en rafales. Elles sont mal cadrées et parfois floues (forcément à 3h du mat en mode selfie avec un reflex…), mais elles figent des moments bien plus importants que la qualité de l’image et montrent des personnes qui m’ont offert un bel anniversaire et qui plus largement sont aujourd’hui de vrais amis.

Salut les boys (Kevin et Dorian)

 

Salut Alex!

Salut Coline!

Les boys Etienne et Kevin

Le lendemain, bien qu’un peu tous fatigués, Coline nous propose une balade vers les îles (plutôt îlots) Florence, à 4 km de la base, situées le long de la langue du glacier de l’Astrolabe, dans une zone appelée le « chaos » en raison d’un relief très accidenté, fruit de la rencontre de la banquise et du glacier se jetant. Cette balade est pour elle un repérage: en effet les phoques, bientôt de retour autour de DDU, se trouvent souvent dans cette région de la banquise, où pullulent les « rivières ». Les rivières sont des affaiblissement de la banquise qui cachent sous une fine couche de neige peu dense  l’eau de l’océan austral sur de fins couloir généralement de 30 à 80 cm de large. Ces rivières sont dangereuses pour nous (certains y sont déjà tombés, résultat une petite peur et un grand froid) mais vitales pour les phoques qui profitent de ces réseaux pour se balader sur des centaines de kilomètres sous la banquise. Sur le chemin du retour, le coucher du soleil et un vent catabatique descendant le continent nous ont  offert un beau spectacle, même si nous étions content que ce catabatique ne se dirigeait pas vers nous car on sait ce que ça donne maintenant les tempêtes en Antarctique… La suite de cette balade en photos!

4 manchots dans le vent

Dorian et Kevin

Sondage de l’épaisseur de la glace

« La dent »

Le chaos

Coline et Elodie observent l’état du « chaos »

Un iceberg pris dans les glaces

Le chaos

Le chaos

Le chaos et le glacier vus depuis Florence

Etienne en pause Playmobil

Avec Etienne devant le glacier. Photo: Jérémy Lasmartres

 

Coucher de soleil

Vent catabatique

Vent catabatique

Vent catabatique

Vent catabatique

Photo de groupe! Photo: Jérémy Lasmartres

DDU inside: au cœur du quotidien

Notre quotidien n’est pas, vous vous en doutez, exclusivement constitué de moments extraordinaires, de ce que l’on oublie jamais. Non il y a de très nombreux instant de joies qui sont aussi simples qu’un repas, une image ou une discussion. Le séjour est le lieu central de notre hivernage, celui ou nous nous retrouvons souvent ensemble, comme dans un gigantesque colocation. J’adore m’y poser, un livre à la main (la lecture est une activité extrêmement présente à DDU) pendant que mes camarades vaquent à d’autre occupations comme le billard, le baby, le montage de vidéo, la console, la confection de pâtisserie/dessert/repas ou tout simplement des discussions.  La vie au quotidien dans tout ce qu’elle a de plus classique mais  très appréciable dans cet environnement hors du commun, bien que cela puisse paraître étrange.

Aurélien, notre cuisinier, nous propose chaque dimanche le menu de la semaine. Vous trouverez ici (et en exclusivité!) le menu pour la semaine prochaine. Vous constaterez que notre très doué cuisinier prend bien soin de nous, malgré le manque de produits frais. Et non, ce n’est pas une semaine particulière, ceci est un menu « normal ». A noter que le lundi 31, à savoir demain à l’heure de rédiger ces lignes, Etienne et moi sommes de service base (à tour de rôle et par deux, nous servons les repas, nettoyons le séjour et le dortoir, vidons cartons et poubelles…). A ce titre, et comme nous partageons un intérêt commun pour la Jamaïque et sa culture, nous ferons nous même les repas de la journée du 31 (noté repas jamaïcains sur le menu). Ceci ne fait parti du travail du service base mais c’est justement un des petits plaisirs simples que nous avons ici: l’opportunité de découvrir et concocter à nos co-hivernants de bons petits plats. Au menu: poulet marinés aux épices des caraïbes, riz à la jamaïcaine, dorade à l’ananas, acras de morue, biscuit jamaïcain (à base de coco et de rhum) et bien évidemment ti punch en apéritif accompagné de musique reggae tout au long de la journée!

 

Nous disposons d’un intranet, qui regroupe des infos générales (sécurité, annuaire, histoire de DDU, météo du jour), musique films et documents divers, un service d’alerte aurore et un onglet apprécié de tous: la photo du jour! Ouvrir la page principale nous amène sur cette photo, qui est déposée dans un dossier par toute personne ayant pris une photo originale, drôle ou lui inspirant une réflexion diverse. Chaque jour cette photo , associée à un texte choisi par le déposant, éveille chez chaque hivernant sourire et commentaires, mais parfois aussi (pour les photos un brin moqueur) la question suivante: mais qui à posté cette  photo!? En tout cas elles constituent de sacrés souvenirs pour nous! En voici un petit florilège, je commenterai la première, que j’ai prise un matin (comprendre vers midi pour moi travaillant de nuit) à mon labo. Un plaisantin s’est introduit dans la matinée et à « customiser » mon bureau à base de canettes de bière vides et de post-it. Une vraie mise en scène qui m’a vraiment beaucoup fait rire mais malheureusement je ne sais toujours pas qui est l’auteur de cette belle oeuvre, que j’aimerai pourtant remercier pour sa créativité!

La création selon Dorian. Photo: Sylvain Pallas

 

La destruction selon Louis. Photo: Sylvain Pallas

Invasion de pomme au laboratoire de Biologie Marine « Biomar »

Brouette et matelas sur la banquise, tout va bien!

Bertrand prend le thé dans son igloo

Retour au rap des années 90 avec Dorian et Kevin. Photo: François Mariotti

Elodie fait une sieste sur sa chaise… Photo: Coline Marciau

La tendance été 2017 par Skuarock radio: pull rose, collant thermique, charentaises et bandeau anti mèche rebelle

Un adelie s’est immiscé parmi les empereurs, cherchez l’intrus!

Avec Louis à Biomar lors d’un service base « oiseau »

Coline récupère parfois des œufs d’empereurs légèrement petits…

Pipi poétique

A météo France, on met le bleu de chauffe!

Un autre petit rituel à DDU est le bilan météorologique que nos trois météos (Vincent, Alex et Philippe) mettent à jour deux fois par jour, le matin et le soir. Il est très important à plus d’un titre. A grande échelle, il permet de continuer à alimenter un réseau international collectant les données PTH (pression, température et humidité) sur toute les régions du globe et permettant d’affiner les modèles climatologiques. A échelle de DDU, ces bilans météos permettant d’organiser la vie et la travail, notamment les sorties sur la banquise et les manips des ornithos. Pas question de sortir par blizzard (vent généralement supérieur à 70 nœuds ou Kt dans les bilans météo, 100 noeuds/Kt = 190 km/h). Savoir à l’avance quand les conditions sont bonnes ou mauvaises permet d’organiser son temps de travail et également de loisir. Enfin, en ce qui me concerne, ces bilans sont essentiels. En effet, le Lidar de DDU ne peut pas fonctionner si le ciel est trop couvert ou si les précipitations sont trop importantes. Je passe régulièrement par le bureau des météos pour avoir des mises à jour et ainsi anticiper les moments ou je pourrai allumer le laser. A noter d’ailleurs que souvent sur ces bulletins, les météos me dédient quelques lignes pour décrire un peu plus précisément le déroulé de la nuit (ceci me permet de savoir si je vais travailler plutôt en début de nuit ou en fin de nuit et donc organiser mon travail et mon sommeil).

Voici un  un exemple de bilan météo made in DDU, bilan qui annoncait un énorme blizzard que nous avons subi la semaine dernière (avec des vents à près de 200 km/h, entraînant des températures ressenties de -50°C).