Focus sur le phoque de Weddell

La terre Adélie n’est pas le refuge exclusif des manchots et des oiseaux. Plusieurs espèces de phoques y viennent se prélasser, s’accoupler et/ou se nourrir. Coline, qui a la charge du programme d’étude des phoques, nous a récemment gratifié d’une présentation sur ces charmants animaux. Les phoques sont des pinnipèdes, sous groupe des mammifères marins, et plus précisément des phocidés, par opposition au groupe des otaridés (lions de mer, otaries…).

Les phoques, contrairement aux otaridés, ont une morphologie leur empêchant de se redresser. Sur la banquise, ils ont alors  une allure un peu pataude, mais ce sont de très efficaces nageurs.

Caractéristiques du phoque de Weddell

En Terre Adélie, le plus commun des phoques est le phoque de Weddell, bien qu’il n’est pas rare de croiser phoque crabier et léopards des mers et dans une moindre mesure des phoques de Ross ou des éléphants de mer. Le phoque de Weddell se caractérise par un corps massif, une petite tête, et de nombreuses taches sur son ventre qui constituent une empreinte unique à chaque individu. Un phoque de Weddell peut mesurer jusqu’à 3m20 et peser près de 400kg. Son espérance de vie dépasse les 20 ans (record connu à 26 ans) et ses prédateurs sont les léopards des mers et les orques, eux se nourrissant principalement de poisson trouvés au large de l’Antarctique lors de plongée impressionnantes: nageant en moyenne entre 200 et 300 mètres de profondeur (record à 800m), ils peuvent rester jusqu’à 80 minutes sous l’eau!

Un phoque de Weddell se prélasse sur la banquise

Ils possèdent une dentition spécifique (incisive à l’horizontale) leur permettant d’entretenir des trous dans la banquise, seul moyen pour eux de traverser des dizaines de kilomètres sous la glace tout en respirant de temps en temps.

Sa population est estimée à 500 000 individus, dont environ 350 en Terre Adélie.

Mode de reproduction du phoque de Weddell

Le phoque de Weddell est un animal polygame, un mâle pouvant avoir un dizaine de femelles. Ils se reproduisent en décembre, la gestation du veau (nom du petit) durant ensuite 9 mois. Après les naissances, qui ont lieu entre septembre et octobre, la lactation dure environ 6 semaines, au cours desquelles les femelles élèvent seules les veaux, les mâles se consacrant à la défense de leurs territoires. Le lait de la femelle est si riche que le veau prend près de 100 kg durant le sevrage (25 kg pour 1m20 à la naissance). A contrario, la mère perd plus de 150 kg! Une fois le veau sevré, la femelle se reproduit quasiment  dans la foulée.

Phoque de Weddell. Photo: Cyril Delphin

Et qu’est ce qu’on fait à DDU pour étudier les phoques de Weddell?

L’objectif du programme d’étude des phoques de Weddell est le suivi à long terme de la population de phoque de Weddell dans l’archipel de Pointe Géologie et la mise en relation de l’évolution de la population avec les changements climatiques (naturels et/ou d’origine humaine) affectant le milieu naturel du phoque.

Pour cela, Coline doit dénombrer les phoques repérés (ce qui implique une surveillance quotidienne à la jumelle et des sorties fréquentes sur la banquise), transponder les phoques qui ne le sont pas encore afin de permettre un suivi individuel des phoques et enfin peser les veaux.

Appareil de vérification de transpondage. Photo: Coline Marciau

Matériel de transpondage. Photo: Coline Marciau

Louis et Coline vérifient si le phoque est transpondé. Photo: Cyril Delphin

En pratique, le dénombrement se fera grâce à 4 équipes qui se partageront la zone de l’archipel de Pointe géologie autour de la base (en zone 1). Cela promet de longue et agréables balades, près de 10h et 35 km pour la zone la plus éloignée. Seule Coline peut transponder, le travail de ces équipes sera alors « simplement » de crapahuter sur la banquise, compter les phoques, vérifier s’ils sont transpondés ou non et remplir une carte en indiquant la position des phoques et en décrivant l’environnement (présence de crevasse, de rivières et/ou d’icebergs…). Il peut parfois y avoir foule!

Découpage de l’archipel

forte affluence de phoques autour d’une crevasse et d’un trou entretenu

Cette dernière photo montre cependant quelque chose a prendre très sérieusement en compte lors de nos balades sur la banquise, particulièrement en cette fin d’hiver ou cette dernière va petit à petit s’amincir et s’affaiblir. Nous voyons ici une large crevasse, qui probablement deviendra une « rivière », ou zone de la banquise laissant apparaître l’eau libre. Les phoques utilisent ces réseaux de rivières pour se déplacer sous la banquise et creuser leur trous. Donc présence de phoque signifie quasi systématiquement présence d’un trou, d’une rivière ou d’une crevasse. Il faut donc redoubler de prudence en s’approchant d’une zone occupée par un phoque, sous peine de faire plouf et de se retrouver dans une sacrée galère… C’est pour cela d’ailleurs que lors de nos sorties banquises, nous devons avoir avec nous un bâton pour sonder la glace et  un « sac banquise » contenant notamment une corde d’au moins 10 mètres, des vêtements chauds et secs dans une poche étanche en cas de plouf inopiné, quelques friandises bien caloriques, une trousse de secours, et biensur nos radios pour prévenir les copains et la base en cas de pépins.

A l’heure qu’il est, seuls quelques phoques furètent par-ci par là, le pic de présence arrive à partir de de la seconde quinzaine d’octobre. Mais pour avoir eu la chance d’en croiser un de près récemment, ces animaux aussi impressionnants qu’attendrissants promettent encore de sacrés souvenirs!

Pensées sous le ciel étoilé

La nuit porte conseil dit-on. Vu que j’entame ma 145ème nuit de travail, particularité de mon poste à DDU, voila qui m’assure un grand nombre de conseils, enfin j’espère… En cette première nuit d’octobre, plutôt clémente avec « seulement » -20°C sans vent, je me pose sur le toit de mon laboratoire, le nez dans le ciel étoilé, comme je le fais souvent. Le grand nuage de Magellan et ses 30 milliards d’étoiles m’apparaissent au bout de quelques minutes comme pour me souhaiter la bienvenue: elles et moi avons rendez-vous chaque soir.

Mes co-hivernants dorment à cette heure avancée de la nuit. Sensation grisante de se sentir comme seul au monde, témoin unique d’un spectacle nocturne qui prendra fin d’ici un mois. Une bouffée d’inquiétude m’envahit, ai-je assez profité de ce spectacle? D’ici un mois, le jour polaire s’installera. Un jour sans fin de novembre à février. D’ici un mois aussi une partie de la 68ème mission débarquera, ça sent la fin pour nous!

La queue de la constellation du scorpion attire alors mon regard. Selon la légende, le scorpion de feu fut envoyé par Artémis pour tuer le chasseur Orion. D’ailleurs le scorpion se trouve opposé à la constellation d’Orion. Biensur que j’ai profité au maximum de ces moments. Ici, tout le monde commence à penser au départ et à la suite, parfois avec angoisse, parfois avec impatience ou même avec indifférence. Combien de très agréables soirées ai-je passé entre autres avec Etienne, Louis, Kevin, Coline ou Elodie à imaginer la suite et échafauder des tas de projets. Le départ ne m’angoisse pas le moins du monde, cela fait longtemps que j’ai accepté la fugacité de ma présence ici, comme sur tout autre endroit de cette  planète. La suite? J’ai tellement de projets en tête que je l’attend dans un mélange de sérénité et d’excitation. Parmi eux, nombreux ne se feront peut-être pas mais peu importe, l’important est de considérer que le futur, bien qu’inconnu, est surtout celui que nous voudrons bien nous donner. Alors je ne m’inquiètes pas, je verrai bien le moment venu. J’étais si loin de penser il y a 18 mois que j’irai en Antarctique.

Dans le « chaos ». Photo: Alexandre Flouttard

Galleries de glace

 

De gauche à droite: Elodie, PEF, Alex, moi et Vincent

De gauche à droite: Elodie, PEF, Alex, moi et Vincent

Ah bin voilà, je la cherchais depuis presque une demi heure celle là! La constellation du Sagittaire m’apparaît enfin. Pourtant c’était pas compliqué si j’en crois mon guide stellaire offert par Louis et Coline: Le sagittaire se repère facilement, il se situe dans l’axe des deux « yeux du chat » de la queue du scorpion. Pourquoi je le cherchais? Parce qu’au sein du Sagittaire se trouve le centre de notre Galaxie et le trou noir supermassif qui l’occupe, Sagittarius A*. Les trous noirs sont probablement les objets célestes qui me fascine le plus. Engloutissant tout ce qui a la mauvaise idée de traverser son horizon, sans espoir de retour, y compris pour la lumière (d’ou la dénomination trou noir), les trous noirs sont de véritables défis à la logique, l’espace et le temps n’y sont plus ce que nous en savons. Au centre du trou noir (la singularité), il ne sont plus, tout simplement. Même Einstein s’est trouvé décontenancé face à ces objets dont il a œuvré à la découverte. Imaginez un peu, si vous rentrez dans un trou noir et que vous vous retournez, et en supposant que vous n’êtes pas déchiqueté par l’incroyable gravité qui s’exerce sur vous, vous verriez le temps à l’extérieur du trou noir défiler à une vitesse incroyable. Vous pourriez en quelques minutes voir ce qui se passe en des milliards d’années de l’autre coté de l »horizon du trou noir: voir des étoiles naître, vivre et mourir, des systèmes solaires se créer et disparaître…Vous comprendrez alors que pour moi les notions de temps qui passe ou de temps perdu  sont très relatives. Je crois qu’à force  d’exacerber les regrets du passé (proche ou lointain) et l’angoisse du futur, à force de les laisser guider nos choix, nous passons à coté de l’instant présent. Qu’est ce que le temps sinon une succession d’instant présent? Oh je sais que cela peut passer pour de belles paroles vaines, mais je suis pour ma part convaincu que cela me permet de prendre tous les événements avec beaucoup de sérénité, comme cette incroyable année sur le continent blanc. Comme le disait un célèbre ours connu de tous, petits et grands, il en faut peu pour être heureux.

Alors je termine cet article en ajoutant quelques photos de moment qui à coup sur resteront avec moi, et qui, que j’y pense ou non, me changent continuellement, et deviennent par conséquent intemporel. Pêle-mêle: la dernière émission radio, une après midi saut dans les congères de neige , une balade sur la banquise, une séance de photo pour confection d’un jeu « Risk » revisité, ou une photo très second degré faites avec Coline pour rendre hommage à la base australienne  Casey, vainqueur du festival du film Antarctique (qui nous a d’ailleurs valu les honneurs de la newsweek de Casey, ayant visiblement apprécié notre initiative!   à voir ici).

ça saute dans les congères! Photo: Coline Marciau

 

Elodie se la joue Matrix! Photo: Coline Marciau

Photo fan avec Coline par -25  #1 mise en place difficile

Photo fan avec Coline par -25  #2 ça y est!

Elodie face à « l’œil de la grotte »

balade sur la banquise. Photo: Alexandre Flouttard


Dernière émission radio!

Les animateurs de Skuarock radio! Photo: François Mariotti

Les animateurs de Skuarock radio! Photo: François Mariotti