Ça souffle à DDU !

Point météo

Trois salariés de Météo France viennent chaque année hiverner à DDU. Il s’agit cette année d’Alexandre, Philippe et Vincent. Les données et prévisions météorologiques qu’ils produisent sont primordiales, non seulement pour les programmes scientifiques comme le mien qui se servent par exemple des données des ballons sondes envoyés par les météos (qui enregistrent la température et la pression en altitude au-dessus de DDU), mais également pour organiser la vie sur la base. Aucune sortie sur la banquise ou sur les îles avoisinantes ni aucun travaux d’envergure ou transports par hélicoptère ne se font sans consulter les météos et leurs prévisions. Notre trio a récemment battu le record du ballon sonde envoyé le plus haut à DDU, plus de 30 km!

Record battu!

Une partie des données météos sont visibles sur notre intranet. L’été 2016-2017 a été plutôt doux, les températures s’échelonnant en janvier de -6°C à 4,8°C. On s’aperçoit cependant que le vent est très présent à DDU. Durant l’été, période calme, il est très régulièrement à 50-60 km/h de moyenne avec des rafales soudaines à plus de 100 km/h, maximum de 105,8 km/h en janvier. Ce qui transforme une température relativement clémente comme un petit -1°C en presque -13°C ressenti ! Pas de quoi fouetter un chat me direz-vous (surtout les alsaciens), certes…mais nous sommes toujours en été, imaginez maintenant la température ressentie en plein hiver avec une température réelle de  -25 et un vent à 180 voire 200 km/h (record à DDU de 320 km/h), et bien on se rapproche doucement des -50°C. Dans ce cas-là, rassurez-vous, pas grand monde met le nez dehors à DDU…

Exemple de données météos quotidiennes

Bon il peut arriver que la sonde de température veuille nous faire des petites blagues, à moins que les lois de la physique changent en Antarctique, mystère…

Humm c’est très froid là non?

Ça souffle très fort!

Début février aura été marqué par des rafales à près de 200 km/h. Si je savais que cela arrivait, j’avais du mal à appréhender ce que représente cette force colossale. Et bien je ne suis pas déçu, c’est tout simplement impressionnant, ces rafales vous plaquent littéralement contre les murs ou les rambardes. Le moindre mouvement devient périlleux : lever une jambe et celle-ci s’envole sous l’effet du vent, faisant de vous un pantin marchant de façon désarticulée, portez un objet offrant une surface plane et vous dévalez les caillebotis en ayant toute les difficultés du monde à vous stopper. Cela offre cependant des situations plutôt drôles : lorsque la rafale change brutalement de direction, vous pouvez vous retrouver brusquement le vent dans le dos alors que depuis 5 minutes vous poussiez de toute vos force (tête et buste penchés en avant) sur vos jambes contre le vent de face : je vous laisse imaginer la surprise lorsque d’un coup vous vous mettez à courir sous la force du vent alors qu’une porte se trouve à moins de 10 mètres…

Sortie ornitho :

J’ai donc fait ma première « manip » ornitho. Audrey et moi-même avons accompagné Coline, l’ornithologue, sur l’île du gouverneur (transport en hélicoptère au-dessus de la banquise, classe comme taxi !), île située à l’extrême sud-ouest de l’archipel de pointe géologie, ou elle avait pour but de baguer les poussins skuas recensés lors d’une précédente visite. 3 skuas ont ainsi été bagués et mesurés (ailes, bec, tête…). Nous avons également vu qu’il y avait encore 3 poussins adélie vivants et Coline fut toute ravie de trouver son premier poussin de Pétrels des neiges qu’elle s’est empressée de baguer bien que celui-ci, pas très rassuré, a passé les 5 minutes de la manipulation à lui vomir et déféquer dessus, technique de défense visiblement très répandue chez les oiseaux. Conséquence, nous l’avons baptisé Peter, à prononcer « Pétér » et non « Piteur », référence à un classique du cinéma made in Hazanavicius.

Les photos suivantes ont été prises par Annabelle Kremer lors d’une autre journée ornitho, j’étais pour ma part trop occupé à observer le travail et écouter les explications de notre ornitho en chef pour ma grande première!

Mesure d’un poussin Skua

Pesage du même poussin

Le tout sous la surveillance rapprochée de maman (ou papa…)

Un skua essaie d’effrayer notre intrépide ornithologue

Ce fut très intéressant de voir Coline dans son élément sur cette île éloignée du tumulte estival de la base, entre hélico et véhicules divers transportant vivres et fioul nécessaire à l’hivernage. Je fus d’ailleurs marqué par le silence qui régnait sur cette île, seulement rompu par les cris perçant des skuas tentant en vain d’impressionner Coline venue leur arracher l’espace d’un instant leur progéniture. N’ayant pas d’autres moyens que l’hélico pour regagner la base, nous étions alors 3 naufragés sur un caillou perdu dans l’océan austral au large de l’Antarctique, au milieu de la faune locale : sensation paradoxale mais grisante de se sentir à la fois à la merci des éléments et comme rassuré voire apaisé par l’immuable force motrice du jeu de la vie auquel se livrent sous nos yeux les différentes espèces.

J’ai pu lors de cette sortie observer certaines techniques des ornithos pour attraper les poussins (difficultés +) et les adultes (difficultés +++++). L’une d’elle est d’utiliser des cadavres de poussins adélie morts naturellement, auxquels sont attachés des cordelettes à nœuds coulant, que Coline tire d’un coup sec lorsqu’un skua vient s’y empêtrer. Il y aussi la technique plus rustique de sauter et attraper les pattes d’un infortuné oiseau passé trop près de l’ornitho (taux de réussite de cette technique pour Coline: nul pour l’instant).

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest

10 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Kevin
Kevin
7 années il y a

Peter avait la méga-chiasse ? Il a pas fait trop de boucan dans les waters ?
Impressionnant les vitesses du vent ! Tu as pas pensé à prendre un cerf-volant ? Ou un snowkite ?

Paul R
Paul R
7 années il y a

Et tu n’as pas plaqué ton premier manchot?

Kevin
Kevin
7 années il y a
Répondre à  Paul R

C’est dommage, après tant d’entrainement sur Milène il ne peut même pas mettre en pratique

Max
Max
7 années il y a

Et moi qui soit-disant lutte parfois contre ce cher Mistral…!
Un vrai plaisir de te lire et de suivre tes aventures Wanino! 🙂

Dominique
Dominique
7 années il y a

Bonjour (ou bonsoir) Erwan, merci pour ce reportage, toujours aussi intéressant, on a l’impression d’être à DDU (mais au chaud!) avec toute l’équipe par le truchement de votre écriture. J’ai lu il y a quelque temps: « Ma vie de pingouin » de Katarina Mazetti, une Suédoise; ça se passe en Antarctique, où les croisiéristes n’ont le droit de laisser aucun déchet (papier ou autre) dans les endroits où ils débarquent pour préserver la nature. A bientôt pour de nouvelles « aventures » sous la Croix du Sud. Amitiés d’Alsace.