Alors que la midwinter se profile, et avec le jour le plus court, à savoir peine 1h30 de soleil rasant l’horizon, les sorties hors du périmètre de l’île des Pétrels se font de plus en plus rares, car il nous est interdit de sortir la nuit. Aussi, après plusieurs jours « enfermés » sur notre île, pris entre nos routines de travail, de service base (jour dédié, chacun notre tour et par deux, au service des repas et au nettoyage des lieux de vie communs), et d’activités diverses, le besoin de fouler la banquise pour respirer un grand coup se fait pressant.
Celle-ci est très changeante, semblant presque prendre vie à la lumière du clair de lune par ses changements de couleurs et d’aspects : parfois glace éclatante et lisse, parfois défigurée par d’innombrables amas de neiges consécutifs à une tempête. Ceux-ci sous l’effet du vent se dispersent et recouvrent la banquise, alors ravissante mais un brin espiègle : ses aspérités (et donc parfois des trous où l’on s’enfonce volontiers jusqu’aux cuisses) sont cachées par un voile continu de poudreuse aussi très volatile.
Un dimanche ou la météo s’annoncait clémente (entrendre par là froide mais sans vent), Coline nous envoie à 10h le mail suivant :
« Coucou les chatons, j’irai bien me balader today, des motivés ? »
Outre le fait d’être surpris par la formule de politesse fort aimable de notre ornitho, qui d’habitude commence plutôt par un « salut les lopettes » ou autres sobriquets que la bienséance m’interdit de retranscrire (allez pour le plaisir, le mien c’est « connard de Lidar » mais c’est affectif je précise, c’est sa façon de nous dire qu’elle nous aime!), je suis emballé par cette idée, même si je n’ai dormi que 4 heures suite à ma nuit de mesure.
Après un repas du dimanche toujours aussi copieux à base de cote de bœuf, gratin de courgettes, vin rouge et crumble aux pommes, nous partons explorer quelques icebergs dont un, creusé de l’intérieur, intrigue autant qu’il fascine. La balade dura environ 1h30 durant laquelle nous avons contemplé les jeux de lumières à l’intérieur de cet icerberg, parlé de chose et d’autres sur le chemin, pris la pause devant le coucher du soleil et où Elodie en a profité pour faire des vidéos pour un film qu’elle réalise sur les manchots Empereurs. Voila la résumé photo !
La base vue de la banquise
La base vue de la banquise
En route!
En route!
Arrivée au berg creusé
Arrivée au berg creusé
François fait une petite pause…
François fait une petite pause…
Etienne et Kevin
Coline à l’entrée de l’iceberg
Kevin en mode grand froid
Coucher de soleil sur les bergs
Coucher de soleil sur les bergs
Coucher de soleil sur les bergs
Coucher de soleil sur les bergs
Tour du « Cirque »
Tour du « Cirque »
Tour du « Cirque »
Tour du « Cirque »
Quelques jours plus tard, seconde balade, seconde ambiance. A la demande du médecin Pierre-Emmanuel, le chef de district Serge nous a autorisé une sortie de nuit sur la banquise ! Nous allons enfin pouvoir profiter de la nuit étoilée Antarctique au clair de Lune. Nous partons donc à une dizaine, équipé de notre obligatoire sac banquise (comportant une corde en cas de chute dans une crevasse, des vêtements secs contenu dans un sac imperméable, des chaufferettes pour mains et pieds, bonnet et gants en rab, collation) de nos microspikes pour l’adhérence des boots, de nos appareils photos et lampes frontales ! La nuit choisie est belle mais très extrêmement froide, près de -27 degrés : alors on prend bien le temps de s’équiper, triple plaire de chaussettes et de gants, masques, sous vêtements thermiques, protège cou… La sensation de froid est trompeuse, la première heure dehors, en particulier si l’on marche, se passe toujours bien. On se demande alors presque pourquoi on s’est autant embêté mais d’un coup, en quelques minutes, à la faveur d’une pause ou d’une rafale de vent, le froid vous saisi tout entier. Vos extrémités perdent en sensibilité dans un premier temps, puis se mettre à brûler lorsque vous essayez de les bouger : la douleur est particulièrement vive, mais heureusement courte si l’on a pensé à emporter des chaufferettes. Par contre au delà de 4 heures dehors, même bien équipé, le froid devient presque insupportable, tout votre corps se crispe (parfois accompagné d’un vif mal de crâne) et vous réclame un peu de pitié. Il est alors de temps de rentrer, au moins le temps d’un café chaud.
Ces considérations en tête, la balade fut tout simplement grandiose. La lumière du soleil réfléchie sur la Lune éclairée la banquise d’un éclat sans pareil. Les icebergs (ou plus communément bergs) semblaient parfois flotter sur un tapis grisâtre, donnant l’impression de marcher sur territoire inconnue de la Terre. A croire que nous étions sur la Lune, pourtant à l’origine de la lumière provoquant cette sensation. Certains font le parallèle avec certaines planètes de l’univers de Star Wars, cela a un peu de ça en effet. Le groupe se scinde en deux, certains voulant continuer la marche que nous avions commencé. De mon côté, accompagné de Cyril, Dorian et Aurélien, je reste près d’un berg surnommé « le cirque » afin de profiter du ciel. Je m’allonge sur le sol gelé, bien isolé par mes trois couches de vêtements et ma VTN (veste adaptée au grand froid). Je reste bien 15 minutes ainsi, me paraissant une éternité, éternité que je partage alors avec les étoiles dont l’éclat multi-milliardaire me plonge dans un état second. Je suis seul, n’entend plus mes camarades, je plane au dessus des bergs et de DDU, pensant à tout et à rien à la fois, réfléchissant à la vie, nos vies, ma vie, leurs vies (celle des autochtones des exoplanètes autour des lointaines galaxies) puis sombrant dans un néant de réflexion propice à un détachement total : plus rien n’a d’importance dans ces moments-là.
N’ayant pas amené mon appareil photo lors ce cette balade nocturne pour cause d’entretien nécessaire, je laisse Cyril, Coline et Alex vous donner le résumé photo.
Décor lunaire. Photo: Alexandre Flouttard
La base sous le clair de Lune. Photo: Alexandre Flouttard
Iceberg de nuit. Photo: Coline Marciau
Iceberg de nuit. Photo: Coline Marciau
Iceberg de nuit. Photo: Coline Marciau
Contemplation de la Voie Lactée. Photo: Cyril Delphin
La Lune, phare de la nuit Antarctique. Photo: Cyril Delphin