Comme je l’annonçais dans un précédent billet, la semaine dernière a eu lieu la semaine de la « Mid-Winter ». A travers l’Antarctique, les stations délaissent temporairement la routine quotidienne pour une semaine de jeux, défis, journées à thèmes, ateliers divers (cuisine, couture, culture générale…). En ce qui concerne DDU, la semaine de la mid a été précédée dans la nuit du 18 Juin d’une aurore d’intensité incroyable, de loin la plus impressionnante vue cette année. Le ciel était clair, le laser de mon labo en marche, fendant la nuit adélienne. L’aurore est apparue soudainement, vêtue de son traditionnel vert mais cette fois très clair, et de plus accompagnée d’une légère parure pourpre, signe d’une exceptionnelle activité magnétique au-dessus de nos têtes. La vue de cette barrière de jets cosmiques avec au centre le laser vert de DDU nous a laissé bouches bées. Nous nous précipitons alors pour éteindre le maximum de lumière de la base et nous plonger dans le noir. Après une bonne heure qui nous sembla une éternité et alors que nous pensions avoir tout vu, l’aurore disparue revint de plus belle comme un dernier rappel et un flash lumineux presque aveuglant détourna notre regard un instant : un objet, très probablement une comète, vient de traverser le ciel au milieu de l’aurore et sous nos yeux ! Simplement incroyable : deux phénomènes parmi les plus beaux de cette planète en même temps. Et parce que la chance est avec nous jusqu’au bout, François avait choisi cette nuit pour placer son appareil photo sur un bâtiment légèrement distant du centre de la base. Configuré en mode «time lapse », François nous a sorti une vidéo d’ 1 minute résumant 3h de folie, qui resteront probablement comme l’un des meilleurs souvenirs de l’année. Voyez d’ailleurs à quel point nous fumes chanceux: l’appareil à même capté l’instant où la comète (ou quoi que ce soit) à traverser le ciel, vous voyez je ne mens pas ! (avec en prime la fameuse vidéo, mais par contre en basse définition, ba oui on fait ce qu’on peut niveau réseau ici). Je réalise à peine ce que nous avons vécu cette nuit-là…
Le weekend se poursuivit par l’inauguration du magnifique nouveau bar du séjour que nous a bâti notre très doué menuisier Etienne, puis le vote du Onz’TA qui avait suivi le débat officiel sur les ondes de Skuraock radio, la radio officielle de la Terre Adélie : pour l’occasion j’ai délaissé mon siège d’animateur pour éviter tout conflit d’intérêt (faisant partie d’une liste candidate). Résultat : notre parti, le collectif nuit debout, a été élu par 11 voix contre 4 au JPR et 4 au TARN et 3 abstentions (le chef de district ayant un devoir de neutralité). Notre rôle durant la semaine fut de coordonner les différentes activités, celles de notre programme et celles mises en place par tout le monde. Pêle-mêle : jeu de piste sur et en dehors de la base, jeu du « killer », concours (fléchettes, billard, baby, beer-pong), soirées à thème, repas de toute les régions du globe, pari avec notre nouvelle monnaie le rastacoi, enchères avec cette monnaie….
Le travail est alors pour la plupart des membres de l’équipe réduit au minimum, à savoir les taches obligatoires au bon fonctionnement de la base comme la surveillance de la centrale électrique ou le déneigement des lieux stratégiques. Pour les scientifiques, le rythme ne change guère au final car l’atmosphère, le glacier et les manchots n’ont que faire de la midwinter, bien que l’on s’accorde parfois une pause pour participer à certaines activités phares. Mention spéciale à notre gérant postal Eric, qui a pris en main la cuisine, pour laisser le cuisinier et le boulanger se reposer, et nous a concocté une semaine culinaire au top du top ! (menu de la semaine ici).
Durant la mid-winter, la coutume est que les différentes stations du continent s’envoient des photos de leur mission en souhaitant une bonne suite d’aventure. Nous avons reçu des dizaines de cartes (il y a plus de 50 bases en activités). Ces photos éveillent un étrange sentiment : cela nous conforte un peu plus dans notre sentiment d’isolement du reste du monde, mais en même temps on se sent membre d’une communauté, celle des « aventuriers polaires », qui dépasse les clivages liés à la nationalité. Si l’on note évidemment les différences de style suivant le pays d’origine des photos, nous comprenons fort bien ce qu’ils vivent et cela inspire immédiatement un profond respect. Je vous joins quelques-unes de ces photos.
A noter que cette semaine spéciale le fut doublement pour moi. En effet, j’ai détecté mon premier PSC (Polar Stratospheric Cloud) dans la nuit du 23 au 24 Juin. Un grand évènement scientifique pour moi : Les PSC sont les nuages stratosphériques polaires, objets de ma présence ici. Au cœur de l’hiver, la stratosphère Antarctique est ceinturée par un vortex polaire, qui abaisse la température interne à près de -80°C. Ces conditions permettent le « piégeage » des CFC, des polluants atmosphérique provenant des activités humaines qui vont réagir avec les composés naturels de la stratosphère à la surface de ces fameux nuages stratosphériques polaires, d’où l’importance de les détecter et les étudier, ce que je fais grâce à un laser. A la fin de l’hiver, les produits de ces réactions vont, sous l’effet du retour du soleil, réagir avec la couche d’ozone et la détruire partiellement. Comme ce sujet méritent de plus amples explications, je prépare pour d’ici quelques jours un billet complet et détaillé sur ces PSC et biensur sur les premiers d’entre eux version 2017, qui sont forcément particulier pour moi.
Aurore, comète, fête avec les amis, premier PSC : quelle semaine pour moi!