Kevin est le glaciologue de la TA67. Ses missions se partagent entre la chimie de l’atmosphère, notamment le suivi des concentrations d’ozone et de Soufre dans la troposphère (la première couche de l’atmosphère, entre le sol et environ 8 km au niveau des pôles), et le suivi du glacier de l’ Astrolabe.
Si l’Antarctique est un continent très sec, les rares précipitations de neige ont tout de même eu des millions d’années pour s’accumuler. Or le continent blanc n’est pas statique, la glace qui le compose à tendance à se mouvoir en direction des périphéries du continent, où le surplus est évacué à travers justement des glaciers qui jouent donc un rôle de régulateur. Ces derniers recrachent littéralement la glace sous forme d’icebergs qui se détachent et voguent au grès du courant, au contraire du glacier lui-même, toujours rattaché au continent.
Une des conséquences du réchauffement climatique est la fonte de ces glaciers. Leurs disparitions auraient de nombreuses conséquences fâcheuses comme une montée des eaux conséquentes (estimée à 1 mètre à la fin du siècle pour les seuls glaciers, donc sans compter une fonte du continent entier), un rejet d’eau douce dans la mer australe, ce qui perturberait les courants océaniques et l’écosystème antarctique et une accélération de la fonte du continent lui-même.
Voilà pourquoi Kevin relève une fois par mois les positions de plus de 250 balises, positionnées à divers endroits de la bordure du glacier, afin d’en mesurer sa vitesse d’écoulement et les variations d’épaisseur. Durant l’été austral, il va également plus loin sur le glacier (grâce aux hélicoptères pouvant alors voler dans de bonnes conditions) pour étoffer ces mesures. D’ailleurs à ces endroits-là, le glacier épouse parfaitement le relief sous-jacent, ce qui déforme la glace et crée des crevasses pouvant faire plusieurs dizaines de mètres de profondeur, ce qui rend le travail périlleux et oblige les glaciologues à s’encorder au cas où une crevasse serait cachée par une accumulation de neige. Le glacier de l’Astrolabe fait environ 16 km de long sur 6 de large. Kevin nous a de plus appris que ce glacier se déplace par endroit de plus de 600 mètres par an, soit près de 2m par jour !
Ces mesures demandent environ 3 heures de travail à Kevin, auquel il faut rajouter une heure de marche aller et retour jusqu’au Cap Prudhomme. Or en ce mois-ci le jour n’est présent que 4h, entre 10h30 et 14h30 et il nous est interdit de sortir hors de l’île des Pétrels durant la nuit. C’est pourquoi Kevin a monté une équipe pour l’épauler dans sa tâche. Lui, Aurélien et Dorian ont mesuré une partie des balises (hauteur et projection) ; Louis, Coline et moi-même l’autre partie. Dorian étant le mécanicien de la base (en plus d’être le benjamin de la TA67, 21 ans à peine le minot !), donc le référant en ce qui concerne les véhicules, nous avons pu emprunter un Kubota, petit engin sur chenilles permettant le transport de matériel et de personnes. Nous avons ainsi pu gagner du temps sur le trajet, ce kubota montant à la vitesse impressionnante de 25 km/h ! Bon il faut bien avouer qu’il n’est pas fait pour 6 personnes…On s’est donc un peu serré !
Encore une superbe journée avec une vue imprenable sur la banquise, un coucher de soleil sublimé par les quelques nuages faisant office de diffuseur de lumière et une nouvelle expérience à rajouter à mon année en Antarctique !