Et oui les manchots Adélies ont tous quitté la Terre du même nom, après une saison de reproduction catastrophique, le contraire eut été étonnant (bon faut dire que ça à un peu rien à voir). Le mois de mars à quelque chose de très particulier pour la faune locale. Après la cohue de la période d’été ou d’innombrables couples d’oiseaux et d’Adélie donnaient naissance à des centaines de poussins que Coline et Elodie (que nous accompagnions parfois) baguaient et/ou marquaient du matin au soir afin de poursuivre le suivi des populations, voici le moment du départ de ces mêmes poussins, aujourd’hui assez agiles pour voler littéralement de leurs propres ailes. Nos ornithologues en sont toutes tristes, elles qui ont suivis leurs « pioupiou » depuis des mois. Mais nul doute que leur fierté sera grande quand elles verront les poussins bagués par leur soin revenir l’été prochain. En attendant, nous profitons des pétrels géants encore présents sur l’île de Rostand, île proche de la nôtre, des fulmars, et des quelques skuas encore présents.
Mais tout n’est pas noir (vous me direz que c’est d’ailleurs plutôt le contraire ici…), en effet les premiers manchots Empereurs sont là ! Les stars du continent arrivent dans toute leur majesté, au rythme d’une démarche caractéristique qui soyons honnête parait parfois un brin nonchalante en comparaison de la fougue des Adélies. Mais cela fait partie du charme des Empereurs, comme leur magnifique collier jaune et orange. Ils sont pour l’instant une quarantaine, entre l’île de Rostand et l’île des Pétrels, attendant leurs 8000 congénères qui ne devraient plus tarder à pointer le bout de leur bec. J’ai eu la chance de m’en approcher en compagnie de Kevin et Coline (je précise qu’il nous est interdit de les approcher en l’absence d’une des ornithologues), un moment que je n’oublierai pas ! Et qui émoustille autant que stresse Elodie, qui dès 6 heures du matin au coucher du soleil, guette la moindre arrivée, elle qui recherche parmi les 8000 arrivants les quelques centaines transpondés (équipés d’une micropuce gps), ce sont eux qu’elle suivra particulièrement cet hiver.
Nous jouons tous chaque jour à qui trouvera les nouveaux manchots, pour aider Elodie autant que satisfaire une excitation palpable. Les cycles des arrivées et des départs se succèdent depuis des milliers d’années, pourtant le notre nous semble être le premier et le dernier : nous apprécions l’unicité d’un cycle naturel invariant, ou le changement dans la stabilité comme le dit Guillaume Lecointre, illustre spécialiste de l’évolution qui partagea notre quotidien durant un mois ici (que je salue chaleureusement et remercie pour ces discussions fort intéressantes). Les Empereurs jouent-ils au même jeu avec les missions d’homo sapiens sapiens qui se succèdent depuis 60 ans sur leur terre ?