Quand la politique s’en mêle

Les revendications territoriales

La question de l’appartenance des pôles fut posée pour la première fois par la Norvège à propos de l’Arctique. Les discussions aboutirent au concept de contiguïté territoriale, selon lequel seuls les pays dont le territoire jouxte les cercles polaires peuvent revendiquer une souveraineté. Pourtant la configuration géographique de l’Antarctique semble exclure l’application de ce concept aux pays autre que l’Argentine ou le Chili, qui considèrent que l’Antarctique prolonge le continent sud-américain. Le principal critère retenu pour revendiquer un territoire du continent blanc sera celui de la découverte. C’est ainsi que 5 pays revendiquèrent dans la première partie du XXème siècle des portions de l’Antarctique suite aux explorations de leur citoyen: 3 de façon directe (Royaume-Uni, Norvège, France) et 2 de façon indirecte via l’ex empire britannique (Australie et Nouvelle-Zélande).

S’ajoutent à cette liste l’Argentine et le Chili par contiguïté territoriale. Ainsi, en 1957, sept pays avaient revendiqué des territoires en Antarctique, pays qui furent appelé les « états possessionnés », par opposition aux États-Unis et à l’URSS qui ne revendiquaient aucun territoire, mais ne reconnaissaient non plus aucune revendication.

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Revendications territoriales en Antarctique

Inévitablement, des tensions apparurent entre les états possessionnés et des états prétendants comme le Pérou, l’Afrique du Sud ou l’URSS mais également entre possessionnés, en particulier concernant la péninsule Antarctique, disputée entre le Chili, l’Argentine et le Royaume-Uni. Ajoutons à cela que la guerre froide tendait progressivement à bipolariser le monde, il devenait alors nécessaire de trouver une solution politique, consistant à partager un continent ayant la particularité d’être vide d’habitants. Dès 1947, les États-Unis proposèrent l’internationalisation du continent sur les conseils d’éminents scientifiques qui notèrent que la période 1957-1958 allait s’accompagner d’une grande activité solaire, ce qui impliquait que de nombreux phénomènes géophysiques seraient disponibles à l’observation. Naquit ainsi l’idée de « l’Année géophysique internationale », ou AGI.

Les sept états possessionnés et cinq « intéressés » (URSS, États-Unis, Belgique, Afrique du Sud et Japon) ont alors bâtit plus de 60 bases scientifiques, dont une cinquantaine sur le continent proprement dit. Parmi ces bases se trouvent la station Dumont d’Urville pour la France en Terre-Adélie ou la station Amundsen-Scott pour les États-Unis, située au pôle Sud et nommée en l’honneur des deux explorateurs s’étant livré à une course aussi épique que tragique pour la conquête du pôle sud.

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Les bases scientifiques en Antarctique

L’installation de ces bases nécessita une collaboration de tous les instants entre les pays, chose remarquable en cette période de guerre froide. Et le bilan de l’AGI fut à la hauteur de l’effort consenti, l’Antarctique apparaissant dès lors sous un tout nouveau jour : carte de courants océaniques, données climatologiques, nouvelles théories concernant le champ magnétique…Le revers de la médaille fut que l’AGI mit également en lumière le potentiel du sous-sol Antarctique en termes de métaux, aiguisant alors l’appétit des industriels. Lorsque l’AGI prit fin, les interrogations fusèrent : doit-on continuer les recherches ? Peut-on envisager des exploitations minières ? Le président des États-Unis himself, Dwight Eisenhower, prit l’initiative d’inviter les membres de l’AGI en précisant dans l’invitation : « Nous ne voulons pas que l’Antarctique devienne un objet de conflit politique. Nous proposons que ce continent soit ouvert à toutes les nations pour y mener des activités scientifiques, ou de toute autre nature, pacifique. » Ainsi vit le jour le Traité sur l’Antarctique. Précisons toutefois que si les intentions pacifiques d’Eisenhower ne sont certainement pas à remettre en question, le contexte de la guerre froide eut un rôle important dans cette démarche : en effet, nul n’avait intérêt à prolonger le conflit américano-russe sur un continent éloigné, hostile et donc difficilement gérable. La recherche scientifique était alors un prétexte parfait pour éviter la militarisation de l’Antarctique.

Le Traité sur l’Antarctique

Il fut ratifié par les 12 membres originaux, les sept possessionnés et les cinq intéressés, le 1er décembre 1959 et entra en vigueur le 23 Juin 1961. Le préambule précise l’ambition de ce traité : il doit servir « les principes de la Charte des Nations Unies, car il est de l’intérêt de l’humanité toute entière que l’Antarctique soit à jamais réservé aux seules activités pacifiques et ne devienne le théâtre ni l’enjeu de différends internationaux». Vous trouverez ici le texte du traité original, traduit en quatre langues: anglais, français, russe et espagnol.

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Signature du Traité sur l’Antarctique

Le traité gèle les revendications territoriales des signataires du traité sur l’Antarctique. En aucun cas le traité ne signifie la renonciation d’un État à ses droits ou revendications de souveraineté sur le continent. Seules les activités pacifiques sont autorisées en Antarctique. Le traité établit un cadre d’échange d’information, de personnel scientifique, d’observations et de données concernant les activités réalisées par les signataires sur le continent. Toute mesure de nature militaire et non pacifique y est interdite. Ainsi, l’usage des bases à des fins militaires est prohibé. La réalisation d’essais nucléaires est prohibée, tout comme « l’élimination » (dépôt) de déchets radioactifs. De plus il est inconditionnellement ouvert à tout état membre des Nations unies, la candidature des autres états étant soumise à l’accord des membres consultatifs, c’est-à-dire ceux ayant signé le traité en 1959.

Un traité incomplet

Le traité de 1959 reflétait son époque. Les considérations de 1959 évoluèrent et avec le temps certains états soulignèrent les manques du traité : pas une ligne sur l’exploitation des ressources minières (le problème trop épineux fut tout simplement évité), rien sur la pêche, le tourisme ou la protection de l’environnement. Au cours des années qui suivirent, au gré des crises financières, énergétiques ou politiques mais également avec la montée des inquiétudes écologiques, ces manques devinrent de vrais sujets d’inquiétudes. En effet de plus en plus de pays signaient le traité sur l’Antarctique, et certains ne participaient à aucune recherche scientifique, espérant seulement pouvoir obtenir leur part du gâteau en cas d’exploitations des ressources du continent. Dans un premier temps, les considérations environnementales « non critique » (comprenez tout ce qui ne concerne pas les ressources du sous-sol) furent rapidement réglées par la mise en place de la convention sur la protection des phoques de l’Antarctique en 1978 et la convention sur la conservation de la faune et de la flore antarctique en 1982. A la faveur d’un changement d’état d’esprit concernant le réchauffement climatique au début des années 1990, notamment avec le protocole de Montréal, le contexte devint favorable pour faire évoluer le Traité sur l’Antarctique et le 4 Octobre 1991 fut adopté à Madrid un protocole sur la protection de l’environnement en Antarctique, faisant du continent blanc « une réserve naturelle consacrée à la Paix et à la Science ». Ce texte impose un moratoire de 50 ans au cours desquelles l’Antarctique est réservé à la recherche scientifique, à la coopération internationale et interdit toute activité d’exploration et d’exploitation du sous-sol.

A ce jour, 53 pays ont ratifié le Traité sur l’Antarctique, représentant plus de 80% de la population mondiale. 29 d’entre eux, menant de façon active des recherches scientifiques sur le continent, sont des parties consultatives possédant un pouvoir décisionnel, les 24 autres étant invités aux réunions mais ne pouvant pas participer aux votes. Vous trouverez sur ce site la liste actualisée des états signataires.

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