Les animaux et les végétaux des régions polaires ont dû s’adapter à des conditions extrêmes : températures très basses, vents violents, sol pauvre et souvent gelé, alternance d’une longue nuit hivernale et d’un long jour estival. Les plantes, quand elles existent, sont donc de petite taille et poussent en touffe pour échapper au froid. Elles sont couvertes de duvets protecteurs ou se développent plutôt horizontalement que verticalement pour échapper au vent. Les animaux, eux, sont couverts de fourrure, de plumage épais ou d’impressionnantes couches de graisse pour résister au froid. Leurs oreilles et leur queue sont petites, de manière à diminuer les pertes de chaleur. Si certaines espèces peuvent être observées aux deux pôles (phoques, orques, cachalot), beaucoup ne se rencontrent qu’Arctique ou qu’en Antarctique: ainsi un manchot, emblème de l’Antarctique, ne pourra jamais rencontrer un ours blanc qui vit, lui, sur la banquise Arctique. Un seul oiseau (la sterne arctique) fait le voyage d’un pôle à l’autre chaque année.
Cette section donnera un aperçu de la faune et de la flore présentes en Antarctique, et de plus amples informations seront livrées au cours de mes chroniques du quotidien, grâce aux éclairages de mes collègues biologistes, spécialistes de ces questions.
Une flore Antarctique très peu développée
Les végétaux comme les lichens (plus de 350 variétés répertoriées) et les mousses sont représentatifs de cette flore très résistante. On trouve également des organismes microscopiques, comme des algues ou des champignons. La quasi-totalité de cette flore se trouve soit dans les fonds de l’océan Austral soit sur la péninsule antarctique, plus tempérée que le reste du continent. On y trouve d’ailleurs les deux seules espèces de plantes à fleurs indigènes de l’Antarctique : la canche antarctique (Deschampsia antarctica) et la sagine antarctique (Colobanthus quitensis). Ces deux espèces ont colonisé le continent blanc durant l’Holocène, soit la période interglaciaire relativement douce entamée il y a environ 10 000 ans.
Une faune importante mais peu diversifiée
De la même façon que la flore, la faune Antarctique se concentre presque exclusivement sur le littoral ou sur la péninsule, constituant une biomasse marine. La rare faune terrestre est formée de micro-organismes comme des tiques, des mites ou un moucheron sans ailes de 12 mm : le belgica antarctica, qui survit au froid en se déshydratant durant l’hiver afin de ne pas geler.
Les eaux australes entourant le continent sont à l’inverse largement peuplées, même si la diversification des espèces est faible. Ainsi, on dénombre moins de 300 espèces de poissons sur environ 20 000 dans le monde ; 43 espèces d’oiseaux dont 7 espèces de manchots, pour environ 10 000 connues. On peut rencontrer 4 espèces de phoques et une dizaine de cétacés le long des côtes du continent et de la péninsule. Cependant, s’il est vrai que le nombre d’espèces est réduit, le nombre d’animaux pour une même espèce peut se compter en dizaine de milliers voir en millions. Plus précisément, nous trouvons en Antarctique :
- le Krill antarctique
Les eaux froides de l’Antarctique sont riches en nutriments qui remontent des grands fonds vers la surface, grâce à de puissants courants. Ces nutriments permettent le développement d’une grande quantité d’algues, ce qui permet au krill de proliférer. Le krill, qui signifie « nourriture des baleines » en norvégien, est en réalité le nom générique de quatre-vingt-cinq espèces de petits crustacés. La masse du krill antarctique, invertébré se nourrissant du plancton et qui constitue sans doute la biomasse la plus abondante de la planète, pourrait dépasser 500 millions de tonnes, c’est-à-dire environ cinq fois le volume total des poissons pêchés et élevés chaque année dans le monde. Il doit agiter ses 10 pattes et se maintenir en constante activité pour ne pas couler. Il se nourrit de plancton et 40% de son énergie est consacrée à maintenir sa seule position dans l’eau. En été, il peut former des bancs de 500 km², dont la couleur rosée est détectable par les pêcheurs mais aussi par les satellites ! Au cœur du réseau alimentaire, le krill sert de nourriture de base aux poissons, baleines, phoques, manchots et autres oiseaux. En particulier, le krill antarctique, mesurant environ 5cm et vivant en groupe de 10 000 à 30 000 individu par mètre cube, a pour espèce la plus répandue l’Euphausia superba, qui ressemble à une crevette.
- Poissons
S’il existe 20.000 espèces de poissons dans le monde, moins de 300 vivent dans l’océan Austral. Parmi les plus caractéristiques, adaptées au milieu polaire, figurent le “poisson des glaces” (Champsocephalus gunnari). Pour survivre dans l’eau glaciale, ces poissons produisent un antigel naturel. Leur sang transparent ne contient pas d’hémoglobine, mais plutôt des molécules spéciales qui s’attachent aux cristaux de glace lorsqu’ils se forment et empêchent ainsi leur corps de geler, même sous la glace.
Si la diversité des espèces de poisson est faible, le nombre d’individus présents dans l’Océan Austral est considérable et dû à deux facteurs : la richesse des nutriments à disposition dans l’eau et la relative constance de la température des mers à cet endroit. En outre, ils présentent tous les mêmes similitudes : ils sont de petite taille, leur croissance est lente, leur espérance de vie longue et il n’ont pas d’écailles.
- Mammifères
Nous trouvons dans un premier temps des Pinnipèdes. Ce que nous appelons communément « les phoques » regroupe, en réalité, sous le terme scientifique de pinnipède, les otaries, les morses et les phoques. Ce sont des mammifères carnivores adaptés à la vie marine.
Pour cela, ils disposent d’une très grande quantité de sang comparé à la taille de leur corps (environ le double de ce dont dispose un être humain de même taille). On comprend alors que ce surplus sanguin apporte à l’animal autant de globules rouges additionnels nécessaires à une meilleure oxygénation. Ils peuvent ainsi plonger longuement dans l’océan pour se procurer leur nourriture. Leur rythme cardiaque se ralentit pour passer de 100 battements/minute en surface à 4 ou 5 sous l’eau. Les espèces en Antarctique sont : L’éléphant de mer du sud, phoque de wedell, phoque crabier, léopard des mers et phoque de Ross.
L’éléphant de mer est un animal colossal. Le mâle mesure jusqu’à 6 mètres et peut peser 4 tonnes ! Son museau en forme de trompe, qu’on ne retrouve chez aucun autre pinnipède, est à l’origine de son nom « éléphant de mer ». Lorsque le mâle, à l’instar de l’otarie, défend son territoire et son harem, sa trompe agit comme caisse de résonance amplifiant son rugissement pour impressionner son adversaire.
Mâles et femelles des phoques de wedell sont sensiblement de la même taille. L’océan est leur royaume : l’accouplement a lieu dans l’eau où les mâles établissent également leur territoire. Un mâle peut avoir près d’une dizaine de femelles. Leur physionomie est particulière : leur petite tête contraste avec leur corps massif et présente deux grands yeux globuleux leur permettant de chasser dans les eaux sombres ou sous la glace.
Le phoque crabier est aisément reconnaissable grâce à son pelage blanc et à son museau semblable à celui d’un chien. Sa population dépasse les 15 millions d’individus. Similitude avec les grands cétacés, sa dentition agit comme un filtre, retenant les petites crevettes quand il expulse l’eau hors de sa gueule. Ses lieux de prédilection sont la mer de Ross et les alentours de la Péninsule Antarctique.
Comme son nom le suggère, le léopard des mers est un prédateur. Il est le seul phoque d’Antarctique à consommer régulièrement des proies de sang chaud. Sa diète se compose de manchots (jusqu’à 20 par jours!), mais aussi de poissons, de krill et de bébés phoques.C’est un animal solitaire et l’on voit rarement plus d’un individu évoluant dans le même secteur. On le rencontre sur l’ensemble de la banquise et le long des côtes.
Le phoque de Ross est un des plus petits, mesurant 2,8 mètres en moyenne C’est un chasseur de calmars mais il se nourrit également de poissons et de krill. Il présente des nageoires exceptionnellement développées en comparaison des autres espèces. On dit de lui que c’est un phoque chanteur, ses appels portent sur de longues distances. C’est un animal solitaire et rarement vu car il habite la banquise impénétrable bordant le continent Antarctique.
Il y a ensuite les baleines, dauphins et orques qui font partie d’une même famille, celle des cétacés. A mi-chemin entre poissons et mammifères marins, ils ont la particularité de vivre entièrement dans l’eau mais respirent de l’air. Il existe deux types de cétacés : ceux disposant de dents et ceux n’en ayant pas.
Le premier groupe, celui des odontocètes (ou cétacés à dents), réuni entre autres les dauphins, les orques et les grands cachalots. Il sont homodontes, c’est à dire que leurs dents sont identiques entre elles. Leur alimentation est variée et se compose de calmars, poissons, oiseaux, phoques et même d’autres baleines. Un système de sonar leur permet de localiser et capturer leurs proies à de grandes profondeurs et dans des eaux sombres. Les espèces présentes en Antarctique sont: dauphins ( sablier et de Commerson), orques et grands cachalots.
Les baleines à fanons constituent le second groupe, celui des mysticètes. Elles se nourrissent du zooplancton de l’océan qu’elles filtrent à l’aide de longs « poils » se chevauchant et pendant de leur palais, les fanons. Leur système respiratoire est extrêmement efficace. Elles sont capables d’échanger 85% de l’air contenu dans leurs poumons à chaque inspiration(chez l’humain, cet échange ne se réalise qu’à hauteur de 15 à 20%). Elles évoluent souvent en surface de l’eau où elles trouvent à disposition leur nourriture et emmagasinent ainsi le poids qui leur sera nécessaire pour migrer en hiver vers des latitudes plus douces où elles se reproduiront. Une fois né, le petit, grâce à l’allaitement extrêmement riche de sa mère, croit rapidement. Chez la baleine bleue, il gagne 4,5 kg par heure ! Sont présents en Antarctique rorquals (commun, boréal et petit rorqual) et baleines (australe, bleue, à bosse, à bec).
- Les oiseaux
Dans le royaume des glaces, ce sont les animaux les plus facilement observables. Leur diversité est faible, on ne compte que 43 espèces se reproduisant au sud de la convergence antarctique, mais le nombre des individus de chaque espèce peut s’avérer très élevé : beaucoup d’ornithologues pensent par exemple que l’océanite de Wilson est l’oiseau dont la population est la plus nombreuse sur terre. Parmi toute ces espèces, les plus emblématiques sont:
Le pétrel des neiges, la plus petite espèce du groupe des fulmars, avec une taille de 30 à 40 cm pour une masse de 240 à 460 g. Son plumage entièrement blanc le rend particulièrement adapté à l’environnement polaire. Le pétrel des neiges présente un tube corné situé au dessus du bec et qui abrite les narines. Outre la possibilité d’excréter le sel de l’eau de mer par les narines, le pétrel des neiges possède des bulbes olfactifs particulièrement développés.
L’océanite de Wilson mesure une vingtaine de cm pour une envergure d’environ 40 cm et peut vivre jusqu’à 30 ans. Son dos est entièrement brun et il est doté d’une bande grisâtre étroite sur la partie supérieure des ailes. Cette espèce possède notamment de longues pattes qui dépassent de la queue qui lui permettent de se nourrir (de petits animaux marins ou déchets organiques) par petits bonds successifs à la surface de l’eau., ailes relevées et ses longues pattes pendantes.
Le Skua Antarctique est un féroce prédateur de d’ 1,5 mètre d’envergure pour près de 2 kg. Les bébés manchots, qui sont constamment surveillés par leurs parents, constituent une proie alléchante pour le Skua, bien qu’il se satisfasse également de petits oiseaux. Ils protègent leurs œufs et leurs petits avec férocité, rendant le travail des ornithologues périlleux. Les coups de becs ne sont pas rares! Il est une des espèces phare de DDU.
Les superlatifs manquent pour décrire l’espèce star de l’Antarctique, le Manchot empereur. Il mesure 1 à 1,3 mètres pour une trentaine de kilos. Son manteau de plumes est d’un noir bleu-gris sur le dos, son ventre blanc, une partie de sa tête et de son cou orange à jaune doré. Lorsque l’hiver arrive, et que les autres manchots migrent vers des climats moins rudes, l’empereur se hisse sur la banquise et entame sa marche vers son lieu d’accouplement où la femelle pond un œuf qu’elle confie au mâle avant de reprendre sa lente marche vers l’océan pour se nourrir. Pendant se temps, le père affronte la nuit polaire, l’œuf sur ses pattes. Ses quatre couches de plumes et sa graisse lui assure sa survie et en font un exemple unique d’adaptation au froid et au jeûne. Le mâle perdra la moitié de son poids avant le retour de sa compagne qui coïncide avec l’éclosion de l’œuf. Il peut alors confier le poussin à sa mère et partir à son tour s’alimenter. Il n’existe que quelques dizaines de colonies de manchots empereur et leur nombre est estimé entre 200 000 et 400 000 couples, bien moins que chez les autres espèces se comptant par millions pour certaines.
Les Manchots Adélie tiennent une place importante à Dumont d’Urville. Vivants sur l’île des pétrels, où à été bâtie la station, ils cohabitent durant l’été avec les habitants de DDU. C’est le seul manchot avec l’empereur à vivre sur le continent Antarctique et sa banquise, les autres espèces habitant les îles subantarctiques et dans archipels des mers australes. On l’identifie à son œil cerclé de blanc. Il mesure 70 à 80 cm et son poids varie de 3 à 7 kg. Si les Manchots empereurs incarnent la majesté et la sérénité, les Adélie sont d’un naturel dynamique, curieux voire espiègle, et il n’est pas rare de les voir s’aventurer près des bâtiments et des hommes, pas effrayés pour le moins du monde, donnant parfois lieu à des scènes cocasses.
De nombreuses autres espèces d’oiseaux vivent près des côtes antarctiques comme le pétrel-tempête, le pétrel plongeur, la sterne, le canard à queue pointue, la sarcelle à bec jaune, le cormoran, l’albatros, le chionis, le pipit antarctique, le manchot à jugulaire, le manchot papou ou le très stylé gorfou sauteur.
Bonjour,
Bravo pour cette page, une erreur cependant. A la légende « phoque de Ross », la photo montre des otaries à fourrure…
Bon hivernage
Désolé pour cette méprise, erreur corrigée!
Merci de l’avoir relevée, je ne l’aurai probablement pas remarqué.