Une semaine à DDU #1

Anne-Gaëlle partie, me voilà seul à bord du LIDAR. En attendant les premières nuits de mesures qui devraient arriver d’ici 15 jours -3 semaines, je m’occupe des routines quotidiennes comme surveiller l’acquisition du spectromètre SAOZ (Système d’Analyse par Observation Zénithale), qui enregistre la quantité d’ozone au-dessus de la station, ou lancer les programmes de récupération des paramètres atmosphériques des ballons sondes lancés par météo France ici à DDU, qui me serviront pour mes mesures. En parallèle, j’entame mon travail d’analyse des données des années précédentes.

Image satellite indiquant la quantité d’ozone

L’image précédente nous montre qu’actuellement, la couche d’ozone au-dessus de DDU est à niveau quasi normal (près de 300 unités Dobson). Ce qui était attendu car le mécanisme de destruction de l’ozone est un phénomène transitoire que se déroule chaque année à partir de septembre-octobre et jusqu’à Décembre.

Profil de température et d’humidité en fonction de l’altitude au dessus de DDU

Le profil de température est ici la courbe en trait continue. On remarque que la température diminue jusqu’à une altitude d’environ 9 km avant de remonter : ce changement de comportement marque la limite en la troposphère et la stratosphère, la tropopause. L’ozone présent dans la stratosphère capte une partie du rayonnement solaire, ce qui réchauffe cette couche. La courbe en pointillé nous indique de plus que l’humidité dans la stratosphère est quasi nulle : cette couche de l’atmosphère ne contient que très peu de vapeur d’eau, la rendant ainsi très sèche. Au cours de l’année, les températures chutant, la courbe de température va se rapprocher de la droite à gauche du schéma, qui représente le seuil de température à partir duquel des nuages stratosphériques polaires, ou PSC (catalysant la destruction de la couche d’ozone), sont susceptibles de se former : observer ces données est donc essentiel pour moi afin de me renseigner sur la probabilité d’observer des PSC lors d’une nuit de mesure. Plus de détail sur mon travail seront donnés lorsque mes mesures commenceront.

Mardi dernier a été pour moi l’occasion de découvrir un rituel quotidien obligatoire : le service-base. Chaque jour, et à tour de rôle, 3 personnes pendant la campagne d’été puis 2 pendant l’hivernage sont chargés entre autre du service du repas de midi et du soir, faire la vaisselle ou de nettoyer le séjour et le dortoir.

Jules Dumont d’Urville nous accueille devant le séjour

Le dortoir des hivernants, dit le « 42 »

RDC: chambres, bureau du Dista et hopital

1er étage: chambres et livres dans le couloir

 

 

 

 

 

 

 

Ma chambre-1

Ma chambre-2

Important de faire des réserves!

Vue toujours aussi sympa

Le bâtiment « géophy »

 

Typiquement, la journée se déroule ainsi : nettoyage du petit déjeuner entre 8h et 8h45, nettoyage du séjour jusqu’à 10h, si besoin on aide le cuisiner et/ou le pâtissier en cuisine jusqu’à 11h30, heure à laquelle le service base mange pour pouvoir servir le repas entre 12h et 13h, et attention à ne pas oublier l’eau, le pain ou le cubis de rouge sinon ça râle vite ! On débarasse les tables en faisant attention à bien trier les déchets (plastiques, papiers, composite, aluminium, fer, verre et même séparer les déchets organiques broyables de ce qui ne le sont pas !) puis on fait la plonge. Nous avons une pause entre 14h-14h30 et 16h puis nous enchainons sur le nettoyage du dortoir, tout y passe : aspirateur, serpillère, récurage des toilettes, des lavabos et des douches et lavage des linges communs genre essuie-main, torchons ou tabliers. Puis vient rapidement l’heure de dresser les tables pour le repas de 19h15, gober rapidement son repas, servir le diner et refaire la vaisselle. Et enfin vers 20h30-21h, cette interminable journée s’achève par une bière bien méritée ! Cela dit, ce n’est pas si terrible que cela, au contraire il y a toujours une très bonne ambiance entre les personnes du service base, ça permet de discuter, de penser à autre chose ou écouter de la musique (parfois pourrie avouons-le) pendant le nettoyage. Ainsi tout le monde, y compris le chef de district, met la main à la pâte pour maintenir un service de qualité.

Le lendemain, j’ai pris un peu de temps pour aller voir les manchots avec Yohann, travaillant avec François et moi au bâtiment de géophysique, dit « géophy ». La saison de reproduction des manchots Adélie est terminée, malheureusement la banquise n’a pas débâclée cette année. Ainsi les manchots ont dû faire près de 70 km aller et retour pour aller chercher la nourriture. Les nouveau-nés n’ont pour la plupart pas survécu à cette longue attente et meurent de faim ou de la prédation des skuas. Coline et Elodie ont récemment dénombré le nombre de poussins adélie survivants sur l’île, 6 seulement…Et d’après leurs dires, il est peu probable qu’ils survivent : la saison 2017 serait alors pour les Adélie une année « zéro » comme disent les ornithologues. Les parents n’ayant plus de poussin à nourrir errent alors sans but sur l’île, certains continuent à mimer la couvaison ou continuent à alimenter leurs nids de petits galets, et d’autres se regroupent près d’une zone en contrebas de l’île des pétrels ou ils ont pour habitude de se baigner quand c’est possible, ce sont ceux-là que nous sommes allés voir, depuis un rocher offrant une sublime vue sur la banquise et le continent.

Un skua surveille une potentielle proie

Manchot Adélie prenant la pose

C’est à moi que tu parles?

Un Adélie sur son nid fait de petites pierres

On occupe le temps comme on peut…

Je prends un caillou…

…je l’amène au nid…

…et je le dépose.

Si je suis dans un premier temps égoïstement heureux de profiter de ce cadre exceptionnel et de ces animaux attachants, on devient rapidement attristé par le sort qu’est le leur. Les voir errer et répéter des gestes d’attention pour des poussins qui ne viendront plus est un crève-cœur. Chaque été, la vie de ces couples ne prend sens qu’à travers leur rôle de parent. Coupés de ce rôle bien avant de l’avoir mené à bien et les voilà sans but, comme dépossédés d’une partie de leur propre vie, aussi désemparés que les ornithologues passant des heures à leurs cotés et les observateurs que nous sommes. Bientôt ils partiront de l’île des pétrels pour y revenir l’été prochain, essayant à nouveau de donner la chance à un poussin de devenir un membre de la colonie des Adélies.

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Dominique
Dominique
7 années il y a

Bonjour Erwan, il y a quelques jours j’ai vu sur ARTE un documentaire: « Antarctica, sur les traces de l’empereur », fait l’an dernier, c’était très intéressant, comme la distance sur la banquise était courte, il y a eu moins de mortalité des poussins, d’une année à l’autre, ça change. J’ai une question: autrefois les explorateurs du pôle sud se faisaient enlever les dents de sagesse et l’appendice avant d’y partir, je pense qu’il n’en est plus de même de nos jours? Je pense que l’Antarctique est très « à la mode » en ce moment, il y a pléthore d’articles et d’émissions sur ce sujet. A bientôt 🙂